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 RAPPORT FINAL - THE PASSIVE IGLOO PROJECT


Le passive igloo - fin de l'hiver, Nanuq Groenland, printemps 2016 (photo Peter Gallinelli)

 

The passive igloo project

Retour d'expérience d'un hiver arctique dans un habitat passif en autonomie complète

Peter Gallinelli

Association ACAPELA, Genève, Suisse © 2017


Table des matières


Résumé

L'objectif du passive igloo project consite à explorer les possibilités de réaliser un habitat écologique en faisant appel à des mesures constructives judicieuses et des ressources énergétiques renouvelables pour garantir le confort thermique dans des conditions climatiques de grand froid le plus sévère.

Le l'igloo passif est un module d’habitation autonome sur le plan énergétique qui équipe un voilier d'exploration polaire pour y accueillir un équipage de 2 à 6 personnes dans des conditions de grand froid pour y habiter et travailler. Dans le but de tester l'igloo passif, le bateau a été volontairement pris dans la glace au Nord-Ouest du Groenland durant l'hiver 2015-2016 et monitoré pendant les 10 mois de 'navigation stationnaire'.


L'iglou passif, l'espace de vie principal (photo Dorothée Adam)

La preuve a été apporté qu'il est possible de créer un habitat quasi autarcique sur le plan de l'approvisionnement en énergie tout en restant simple et abordable et ceci même en climat Arctique.

Le plus grand imprévu était l'absence de vent qui aurait dû être la principale source d'énergie durant la nuit arctique. Néanmoins l'expérience a pu être menée à bien et cet imprévu a permis de mettre en évidence que quand un système se suffit de très peu pour fonctionner il est intrinsèquement résilient, donc sûr.

Par nécessité, le passive igloo project dépasse le thème de l'autonomie énergétique au sens strict et aborde aussi des aspects complémentaires non moins vitaux comme la nourriture, l'eau ou la gestion des déchets. Il en devient un laboratoire d'autonomie des plus complets.


Lieu et climat

Localisé à 77.5° de latitude nord, à 1200 km du Pôle Nord, l'emplacement choisi pour le camp d'hiver donnait la garantie d'un hiver rigoureux avec des températures qui permettraient d'expérimenter les systèmes jusque à leur ultime limite, voire au-delà, avec des températures comprises entre -30°C et -40°C et en l'absence totale de soleil ... mais aussi l'isolement nécessaire à l'autarcie vécue et un engagement total nécessitant de rendre les systèmes parfaitement fiables.


Fond de carte : NASA bluemarble (C)

Le graphique ci-dessous montre les températures de l'air de mi-septembre à juin :


Graphique hiver 2015-2016; vue d'ensemble températures d'air intérieur et extérieur; HD : degrés jours 20/12 = 11800 dK; T-cabine/-3 = 7200 dK; à titre de comparaison en Europe centrale / suisse on dénombre ~3000 degrés jours.

Durant l'hiver, la température de l'eau de mer était de quasiment constante de -1.6°C, sous la banquise.

Etant donné les très basses températures, l'air était extrêmement sec ce qui limite les chutes de neige, 20cm cumulées du début de l'hiver jusqu'au mois de mars. Seulement avec le réchauffement du printemps, les chutes de neige ont ajouté 30cm au mois d'avril.

A l'emplacement du camp d'hiver, les vents étaient les plus forts entre septembre et octobre, ponctués de violentes tempêtes avec des vitesses supérieures à 70 noeuds. Globalement, les vents restaient cependant faibles et n'auraient pas pu constituer une source d'énergie suffisante et fiable. Nous subissions en partie la contradiction entre trouver un emplacement sûr pour le bateau, donc abrité, et en même temps exposé pour faire fonctionner les éoliennes.

Situé bien au-dessus du cercle polaire Arctique, le soleil est totalement absent de fin octobre à mi-février et malgré des crépuscules importants, l'énergie solaire durant cette période est nulle. Cette absence est cependant compensée par une période estivale de quatre mois durant laquelle le soleil ne se couche plus, associé à un temps clair et bénéficiant d'une forte réverbération en raison de la glace et la neige, propice à l'utilisation de l'énergie solaire.


Crépuscule et soleil à Qeqertat - axe horizontal = date; axe vertical = heure (application 'twilight' - Peter Gallinelli)


Campagne de mesures

Afin d'apporter des éléments non seulement qualitatifs, mais aussi quantitatifs, une instrumentation de mesure a été embarquée. Elle était composée de deux centrales d'acquisition automatiques de type Campbell CR1000 équipées de capteurs ad-hoc et d'un microcontrôleur.


La station météo à la fin de l'hiver; la glace cède progressivement (photo Peter Gallinelli)

Extérieur - station météo :

  • température de l'air
  • rayonnement solaire global horizontal et réfléchi (albédo)
  • température de la glace (surface) et de l'eau à 3m sous la surface
  • flux de chaleur par la banquise
  • force et direction du vent

Intérieur :

  • températures de l'air cabine, cale, chambres
  • températures aux entrées et sorties du système de ventilation
  • humidité relative de l'air de cabine
  • capteur de flux (mobile)
  • débitmètre chauffage
  • capteur CO2 ponctuel
  • pression atmosphérique

Les conditions extrêmes de déploiement ont eu pour conséquence plusieurs pannes d'alimentation électrique et trous de mesure consécutifs. Le milieu marin ne permettait pas de déployer toutes les sondes durant la totalité du séjour (station météo). En particulier le froid rendait toute installation et mise au point extrêmement difficiles.


Les systèmes

Isolation thermique : 66% de l'énergie consommée correspondant aux pertes de chaleur par transmission thermique

L'isolation de la cabine est constituée d'un noyau structurel en mousse de polystyrène graphitée spécialement formulée pour le projet. Elle est prise en sandwich entre deux peaux en fibre de verre et résine époxy constituant ainsi un élément à la fois structurel et isolant sans ponts thermiques. La valeur U de ce sandwich est de 0.12 W/(m²K), un strict minimum sur le plan thermique et un strict maximum sur le plan de l'habitabilité particulièrement contrainte sur un bateau, notamment pour la hauteur de cabine.


Iglou passif pendant la construction. L'isolation remplit à la fois un rôle d'isolant thermique et structurel. Epaisseur 200mm.

Les vitrages répondent au compromis d'une visibilité suffisante en navigation, quand il fait chaud, et réduite au maximum pour limiter les pertes de chaleur, car malgré leur excellente qualité avec une valeur U de 0.5 W/(m²K), leur performance reste quatre fois moins bonne que celle des superstructures alentour. Constitué d'un triple vitrage avec deux couches sélectives et un remplissage au gaz inerte, ils doivent également résister à des contraintes mécaniques élevées (navigation), impacts, et disposer d'un collage adapté au froid extrême.


Triple-vitrage feuilleté utilisé pour les fenêtres. Epaisseur 60mm.

Malgré l'excellente qualité des vitrages, le fait de couper le chauffage durant la nuit avait pour conséquence la formation de givre sur les vitrages, quand la température dans la cabine passait en-dessous de 5°C en fin de nuit. Plutôt que de chauffer, ce phénomène a pu être résolu en recouvrant les fenêtres de 20-40cm de neige, à la manière d'une couverture isolante. La conductibilité thermique de la neige a été mesurée à 0.1W/(mK), ce qui revient à ajouter environ 10 cm d'un isolant conventionnel.


Neige : une addition efficace et gratuite. Conductibilité thermique lambda = 0.1 W/(mK). Epaisseur 20-40cm. Photo au printemps (photo Peter Gallinelli)

Zonage thermique :

Les sacs de couchage étant confortables jusqu'à -20°C, les chambres étaient prévues non-chauffées. Cependant la formation importante de condensation et de givre nous a contraints à les inclure dans la zone chauffée, occasionnant des pertes de chaleur supplémentaires. Malgré cette précaution, l'isolation moins forte des chambres a fait apparaître des points de condensation dès que la température extérieure passait durablement en dessous de -15°C, principalement dans les angles extérieurs et sous les matelas. Le zonage thermique ne pouvait être que modéré. Dans notre cas la température dans les chambres était en moyenne 5°C en-dessous de la température dans la cabine avec une forte stratification verticale.

La même raison peut être invoquée pour expliquer pourquoi les sas d'entrée non-chauffés ne fonctionnent pas par grand froid. Il sera décrit au chapitre ventilation.


Projet de zonage thermique

Eau de mer:

La coque, immergée dans l'eau de mer relativement chaude (-1.6 °C) bénéficiait d'un apport de chaleur. En l'absence d'occupation et d'activités à bord, la température d'équilibre dans la cabine se stabilisait à -10°C pour une température extérieure de -20 à -25°C (voir voyage à Qaanaaq). L'effet était le plus remarquable en début d'hivernage avec une température de la zone tampon (cale) près de 0°C, s'abaissant progressivement à -10°C au fur et au mesure que la banquise gagnait en épaisseur (près de 2m autour du bateau) et que la coque était poussée hors de l'eau (50cm), voir T_bilge du graphique de température. La coque jouait un rôle de bouchon isolant: même à la fin de l'hiver la quille se trouvait encore en eau liquide.

Conclusion :

Parmi tous les systèmes, l'isolation thermique était le préalable de réussite le plus fondamental du projet. C'est un système peu spectaculaire mais le seul qui a fonctionné sans intervention, sans bruit, et la plupart du temps sans même y penser. Il a été facile de l'améliorer avec des matériaux locaux, la neige, gratuite et abondante. Sans isolation renforcée les autres systèmes réunis auraient été incapables à faire face à la rigueur des éléments.


Ventilation : 28% de l'énergie consommée correspondant aux pertes de chaleur par ventilation

Le schéma ci-dessous illustre l'installation avec la prise d'air frais et préchauffage par eau de mer (tube immergé) à gauche, le récupérateur de chaleur à plaques (au milieu) et la cabine chaude en haut. La nomenclature des sondes de température sera utilisée dans les graphiques plus loin.


Installation en exploitation : exemple de valeurs instantanées, journée d'hiver typique au mois de décembre.

Un système de ventilation efficace doit permettre d'aérer abondamment tout en conservant la chaleur. Pour répondre à ce paradoxe un échangeur de chaleur récupère la chaleur de l'air extrait pour préchauffer l'air frais. Un échangeur à plaques spécialement adapté pour un fonctionnement en milieu marin a ét utilisé.


Un échangeur à plaques à contre-courant: rendement 80%, avec condensation 90% (données Klingenburg)

Deux précautions simples ont permis d'assurer son bon fonctionnement malgré les conditions de grand froid où l'échangeur aurait rapidement givré, se serait colmaté et serait devenu inutilisable :

  1. le préchauffage de l'air froid par un tube immergé dans l'eau de mer, relativement chaude (-1.6°C), et
  2. un by-pass diminuant le débit d'air frais passant par l'échangeur pour le maintenir à une température positive; le déficit d'air passant par les fonds tempérés du bateau avant de s'infiltrer dans les chambres. A défaut d'un anémomètre opérationnel, la part déviée par le by-pass a été évaluée à 20% du volume d'air renouvelé (observation du clapet de régulation).

Le système de ventilation a été réglé de manière à récupérer la chaleur sensible et latente (par condensation). Le débit de ventilation a été régulé de manière automatisée sur l'humidité relative de l'air dans la cabine avec une ventilation minimale en deçà de 50% et maximale dès 80% d'humidité relative, rarement atteint (cuisson aliments). Un monitoring ponctuel du taux de CO2 permettait une vérification indicative de la qualité de l'air, à la limite normative supérieure (1500 à 2000 ppm; de jour, hors cuisine).

La géométrie du système de ventilation a dû être adaptée pour éviter la formation de givre et de glace, notamment avec un renvoi des eaux de condensation dans un récipient hors gel.. Etant exposé à l'air extérieur très froid, la sortie d'air a également dû être adaptée.

Le tube immergé s'est montré thermiquement très efficace, mais mécaniquement insuffisant pour résister aux fortes contraintes imposées par la glace et a été déchiré avant la fin de l'hiver. C'est un point à améliorer. Dans le cas d'une construction terrestre, ce tube serait enterré. Ce système est communément connu sous le nom de 'puits canadien'. Il est réellement utile quand on fait fonctionner le système de récupération à des températures inférieures à -5°C.


Chantier du tube de préchauffage d'air par l'eau de mer avant immersion. Les pierres servent de lest pour faire couler le tube : diamètre 70mm, longueur immergée 20m (photo Kalle Schmidt)

Les graphiques ci-dessous montrent les températures aux entrées et sorties de l'échangeur:

T_air : température de l'air extérieur (bleu)
T_ext : air après tube immergé, à l'entrée de l'échangeur (violet)
T_int : air intérieur, dans la cabine (rouge)
T_out : air usé expulsé de l'échangeur (gris)
T_in : air à la sortie de l'échanger, tel que soufflé dans la cabine - hors by-pass (bleu clair)


Graphique vue d'ensemble du système de ventilation : légende voir schéma ci-dessous...

a) gain en température du tube immergé
b) gain du système de récupération
c) tube immergé en panne à partir de fin février


Graphique extrait sur une semaine début janvier : légende voir schéma ci-dessous...

Remarque: le by-pass n'étant pas relié au tube d'entrée d'air dans la cabine la panne du tube immergé ne se répercute pas sur les mesures de température.

Contrairement au projet initial consistant à utiliser la chaleur résiduelle à la sortie du système de récupération pour produire de l'eau potable à partir de glace ou de neige (cf. schéma ci-dessus), la température de sortie était proche de 0°C, trop basse pour fournir ce service. En contrepartie l'eau de condensation était collectée dans l'échangeur et utilisée pour le lavage des mains.

Sas d'entrée et gestion des entrées d'air froid par ouverture de porte :

Pour limiter les entrées d'air froid le projet initial prévoyait une entrée d'hiver à la façon d'un tunnel d'iglou. L'accès devait être protégé par une tente. Après les violentes tempêtes, les tentes sont restées dans leurs sacs. Il s'est aussi avéré que dans les climats très froids un sas d'entrée ne peut être utilisé pour stocker des habits. Ceux-ci doivent sécher à toute occasion dans la zone chauffée, car même si on évite la transpiration, l'accumulation d'humidité est inévitable, rendant chaussures et habits peu à peu inefficaces.

Nous avons donc continué à utiliser la porte d'entrée isolée habituelle, toutefois réduite à une ouverture minimale de 60x60cm² située près du sol, évitant ainsi de laisser s'échapper l'air chaud de la cabine à chaque ouverture.

Gestion de la vapeur d'eau :

La cuisinière à gaz (propane) et la cuisine sont une source importante de vapeurs et d'odeurs. Aussi, afin de réduire une surventilation, nous avons opté pour une cuisson à basse température, couvercle fermé autant que possible et une utilisation systématique de la cocotte-minute.

Gestion des odeurs :

Pour préserver la qualité de l'air nous avons renoncé au traditionnel éclairage à pétrole que l'on trouve sur nombre de voiliers ... et dans les maisons groenlandaises. Les toilettes sont équipées d'une aspiration dans la cuve de compostage ce qui élimine les odeurs incommodantes à la base.

Conclusion :

Une parfaite étanchéité de l'habitacle (sur un bateau cela va de soi) est indispensable pour éviter les infiltrations d'air froid. Cette étanchéité va de pair avec un système de ventilation, car la qualité de l'air est primordiale pour la santé des occupants, en particulier dans des espaces confinés. Nous avons pu montrer qu'un système de récupération à plaques peut être adapté aux conditions de grand froid et rendre de précieux services.


Chauffage

Mi- saison : Le graphique suivant montre le régime de chauffage pour la fin du mois de mai où nous avions des conditions climatiques comparables aux hivers Européens avec des températures comprises entre -5°C et +5°C. Durant cette période, un bref allumage du chauffage au moment du réveil permettait de monter la température de cabine de 13°C à 19°C pour se stabiliser naturellement autour de 20°C durant la journée. Dans des conditions où nous ne nous privions d'aucun confort c'est une excellente nouvelle et sans doute la plus importante.


Graphique du 17 mai au 6 juin 2016, une période avec des températures comparables à l'hiver européen, comprises entre -10°C et +3°C.

Hiver : Malgré un début d'année exceptionnellement doux, la température moyenne était de -26°C pour les mois de décembre à mars compris dont trois semaines avec des températures comprises entre -30° et -40°C. Durant l'hiver 2015/2016 le Groenland a été balayé par de nombreuses tempêtes, à l'exception de la région de Qeqertat qui s'est trouvé sous un calme des plus complets. Ainsi, de notre chauffage principal fonctionnant au courant éolien, il a fallu passer au plan B et puiser dans nos réserves de carburant de propulsion pour faire fonctionner le système de secours, un chauffage à air pulsé prévu pour sécher la cabine en navigation. La régulation se fait par thermostat. Le rendement est de 80%.


Graphique hiver 2015-2016; vue d'ensemble températures d'air intérieur et extérieur et énergie de chauffage quotidienne

Malgré le manque de vent persistant et le mauvais rendement de combustion, la consommation de chauffage pour l'hiver s'élève à seulement 330 litres de gasoil. Ceci représente une fraction des maisons groenlandaises de la région (5-10 fois moins). A la lumière de ce constat, même par grand froid et sans soleil, l'objectif d'autarcie énergétique complète est parfaitement atteignable, avec des éoliennes fonctionnant dans des conditions moyennes, associées à une pompe à chaleur(*).

(*) non-embarquée en raison de limitations de budget.

Les graphiques suivants détaillent les consommations (à gauche) et les sources d'énergie (à droite) représentés en énergie finale (avant conversion) et utile (effectivement utilisée) :


Graphique énergie par service

Contributions de chaleur [*] énergies payantes, polluantes en rouge-orange, énergies propres et gratuites en nuances de verts et jaune

On observe la quasi-absence d'énergie éolienne et solaire ainsi que le mauvais rendement de production d'électricité (voir explications plus bas). Une contribution significative, a été la chaleur produite par les occupants. En exploitation courante, 2 à 3 personnes vivaient à bord. Lors des fortes fréquentations, par exemple lors des visites où 6 à 8 personnes se trouvaient à bord, le chauffage s'arrêtait systématiquement, même par grand froid.

Enfin, le simple fait d'arrêter le chauffage durant les heures de sommeil a permis d'économiser ~1/4 des besoins de chauffage. Ainsi nous bénéficions d'une température confortable durant la journée, proche de 20°C, et d'un sommeil confortable par 0 à 5°C dans des sacs de couchages épais* (voir graphique ci-dessous).

(*) modèle confort à -20°C


Graphique extrait de températures d'une semaine au mois de mars: températures, puissance et énergie de chauffage.

Signature énergétique

La signature énergétique caractérise le besoins d'énergie en fonction de la météo et permet de définir la température à partir de laquelle un chauffage d'appoint est requis. Elle est obtenue en mettant en relation puissance ou énergie de chauffage et température moyenne journalière extérieure, cf. graphique ci-dessous.

Par grand froid les relevés montrent qu'une puissance de 300W par occupant est nécessaire pour assurer le confort; 50W par occupant suffisent pour les périodes de climats comparables à ceux d'Europe centrale. C'est très peu et pourrait facilement être couvert par des énergies renouvelables, ce qui mène directement à l'autarcie énergétique.

La courbe de tendance (droite) place la température de non-chauffage à l'intersection avec l'abscisse, à +4°C. Dans la pratique, au-dessus de 0°C de température moyenne journalière, plus aucun chauffage n'était requis. Pour mémoire: la température moyenne des hivers en Europe centrale est supérieure à 0°C!


Graphique : températures moyennes journalières versus puissance de chauffage moyenne journalière par occupant.

La performance du passive igloo est mise en relief en la comparant à une maison construite selon les normes en vigueur en Suisse (valeurs limite selon norme SIA 380/1) :

SIA Genève correspond à une maison de surface habitable équivalente au passive igloo construite selon la norme dans le climat de Genève; SIA Thulé est la même maison en climat arctique. Elle est assez représentative des petites maisons groenlandaises importées du Danemark.

SIA Genève 150m² correspond à une maison dont la surface habitable respecte la préconisation de la norme pour 2.5 habitants; SIA Thulé 150m² est la même maison en climat arctique.

Conclusions :

Construit selon les principes de la maison passive en climat tempéré, le passive igloo a pu montrer qu'un chauffage actif n'y est pas nécessaire. Un point chaud temporaire reste cependant souhaitable en permettant de répondre aux besoins ponctuels d'ordre physiologique ou psychologique.

En première approche, l'isolation devrait limiter les pertes par transmission à 100 W/habitant. La valeur U moyenne de l'enveloppe du bâtiment est obtenue en divisant cette valeur par la différence entre température intérieure et moyenne de la semaine la plus froide (hiver) et la surface d'enveloppe par habitant.


Electricité : 4% de l'énergie consommée

Bien sûr le bateau ne pouvait être raccordé à aucun réseau électrique. La disponibilité restreinte d'énergie électrique nous a contraints à soigneusement optimiser notre ménage électrique : usage attentif et sobre, élimination des consommateurs inutiles et parasites, recharge des appareils nomades seulement durant les périodes de disponibilité, utilisation basse tension directe dans la mesure du possible, sinon par onduleur à haut rendement allumé ponctuellement (standard terrestre 230V AC).

La consommation quotidienne a ainsi pu être limité à seulement 0.5 kWh pour un 'ménage' de deux à trois personnes, ce qui comprend l'éclairage fixe (quasi-permanent) et mobile (frontales à accu), le système de ventilation, l'électricité requise par le chauffage à air pulsé, les instruments scientifiques, deux ordinateurs, la musique et divers appareils nomades détaillé ci-dessous.


Graphique bilan électrique quotidien (hiver)

En parfaite autonomie les systèmes suivants ont contribué à fournir l'énergie électrique nécessaire à nos différents besoins :


Consommation électrique pour la période d'octobre 2015 à juin 2016

Vue d'ensemble du système électrique :

  • vent : éolienne bipale triphasée 1.5kW, 24V + une éolienne identique en back-up
  • soleil : 4 panneaux de 50 Wp monocristallins, 12V avec régulateur MPPT (maximum power point tracker)
  • back-up (GO électricité) : alternateur sur moteur de propulsion 24V, 30A (point à améliorer)
  • accumulateurs : plomb, électrolyte liquide 6x 4V 550Ah@C20, montage en série

Back-up :

En l'absence de vent et de soleil (nuit arctique d'octobre à février) il nous a fallu utiliser l'alternateur du moteur de propulsion pour un complément de charge quasi-quotidien de 30 à 45 minutes à 700W... une façon très peu efficace pour produire du courant électrique, soit une centaine de litres gaspillés. Il aurait été préférable de produire ces mêmes kWh avec un système couplage chaleur-force, CCF, c'est à dire un petit électrogène dont on valorise la chaleur de combustion pour le chauffage. La difficulté inhérente à ces systèmes sont la nécessité de trouver des très petites puissances, de l'ordre de 500W thermiques et leur fiabilité restrainte.

Avec le retour du soleil c'était l'abondance. La petite centrale photovoltaïque produisait largement de quoi couvrir tous les besoins. Dès ce moment, la cuisine était préparée sur une plaque à induction, remplaçant avantageusement la cuisinière à gaz. S'agissant d'une consommation sur des excédents de production, cette consommation n'apparaît pas dans la comptabilité ci-dessus.


Potentiel solaire capteur orienté s au Sud, inclinés de 60° de l'horizontale, région de Thulé (application twilight, modèle ciel clair)

Conclusions :

Sans électricité, peu de systèmes actuels fonctionneraient. En quantité absolue, l'électricité représente peu d'énergie pour peu qu'elle soit produite et consommée avec intelligence. Pour assurer une production autarcique une bonne complémentarité des ressources est nécessaire. L'anticipation et la connaissance préalables sont particulièrement importantes. Cette connaissance nous faisait défaut; pour la région qui nous concerne elle n'existait tout simplement pas. Malgré ces inconnues, deux tiers de nos besoins électriques ont pu être couverts par du renouvelable conventionnel (éolien et photovoltaïque).


Vie courante

Cuisine, eau et eau chaude : 1.5% de l'énergie consommée

La cuisson et l'eau chaude se faisait au choix sur une plaque à induction ou une cuisinière à gaz alimentée par du propane liquide en bouteilles. Le pain était cuit une fois par semaine dans un four à gaz conventionnel. En raison de la disponibilité d'électricité limitée la plaque à induction n'a été que peu utilisée durant hiver. L'essentiel de l'énergie provenait de notre stock de gaz, soit une consommation de deux bouteilles de 10kg. A noter une fuite de gaz passée inaperçu qui nous a coûté une bouteille supplémentaire. Du carburant solide ou liquide serait plus fiable, mais moins commode.

Notes concernant l'optimisation de la cuisson :

Parmi les mesures d'efficacité, nous avons mis en place un mode de cuisson qui permettait de significativement réduire la consommation de gaz tout en évitant la production inutile de vapeur d'eau. A ce titre la cocotte-minute s'est montrée indispensable. C'est à ce niveau que la consommation peut être réduite d'un facteur 2 à 4.

L'énergie étant comptée, il y avait lieu d'en faire le meilleur usage. Pour le savoir, nous avons réalisé des essais comparatifs pour porter 1 litre d'eau froide à ébullition. La chaleur théorique s'obtient par le calcul.

Avec un rendement de 85% la cuisson par induction s'est avéré très intéressante. Ce mode de cuisson est destiné par excellence au courant renouvelable (vent, soleil, …) dès que disponible localement et en abondance. C'était notre cas - quand il y avait du vent ou du soleil. Lors de l'approvisionnement électrique il convient de penser aux pertes de stockage (batteries ~70%) et conversion (onduleur ~90%). Quand le courant est d'origine thermique (centrale ou groupe électrogène), les nombreuses transformations rendent ce système peu efficace (15%-20% de rendement thermique global) et techniquement fragile (irréparable avec des moyens du bord).

Le rendement du gaz n'était que de 15%, mais l'intégralité de la chaleur issue de la cuisine était profitable au chauffage. Au final une pas si mauvaise solution. Nous avons aussi testé les différentes plaques (différents diamètres et puissances), pour associer à chaque casserole le feu qui avait le meilleur rendement; une petite casserole sur un grand feu fait passer les flammes à coté; à l'inverse une grande casserole sur un petit feu allonge le temps de cuisson de manière disproportionné. Gain 10%.

La bonne casserole:

Induction: utiliser de préférence une casserole légère avec un fond obligatoirement adapté (ferreux). Il est possible d'envelopper la casserole dans une couverture, même lors de la cuisson. Gain 10%-20%.

Gaz: utiliser de préférence une casserole en fonte qui récupère une partie de la chaleur perdue sur les bords et évite de les bruler (conduction thermique par les bords). Gain 10-15%.

L'eau:

La possibilité de trouver de l'eau potable liquide dans un lac à proximité était précieuse en évitant la nécessité de faire fondre de la glace, un procédé très énergivore.

Il n'y avait pas d'eau courante, ni froide ni chaude. La douche se faisait à l'aide d'une lavette et d'une bassine remplie d'eau chaude: simple, efficace, économe. Des savons naturels limitent la consommation d'eau.

En tout, la consommation d'eau s'élevait à 5-6 litres par personne et par jour, dont une bonne partie pour les boissons chaudes et froides pour nous hydrater en raison de l'air très sec de l'Arctique.

L'eau était approvisionnée une à deux fois par semaine et stockée dans un fût en PE de 80 litres, stocké dans la zone chauffée, hors gel. En appoint, des glaçons y étaient mis à fondre pour rallonger les intervalles de collecte d'eau. Celle méthode est directement inspirée des us et coutumes locales.

Conclusions :

Le potentiel de gain d'efficacité est très grand. Cependant, la cuisson représente une part faible des consommations dans leur ensemble. Le choix d'un matériel adapté et des bonnes habitudes suffisent.


Linge : 1.5% de l'énergie consommée

Durant les premiers temps, coupés du monde, nous faisions la lessive à bord, en petites quantités pour permettre un séchage dans la cabine chauffée. Une fois la liaison rétablie avec le village nous profitions de la laverie communale.


Gestion des déchets et toilettes

La gestion des déchets a été abordée tout d'abord en favorisant les conditionnements en vrac ou en grande quantité limitant ainsi la quantité d'emballage. Ensuite par un tri sélectif rigoureux: verre, métal, papier, incinérables et matières organiques.

Le plus important était une séparation rigoureuse des matières organiques du reste, la condition préalable pour permettre un stockage dans la durée sans être incommodé par le développement de mauvaises odeurs.

Les toilettes sèches à compostage méritent d'être signalées car elles ont été un vrai succès. En particulier la gestion des odeurs, incomparablement meilleure qu'un WC conventionnel, était remarquable.

En même temps le composteur 'mangeait' les restes de cuisine et bouts de papier et de carton d'emballage qui servaient d'apport au compostage en l'absence de matières appropriées (sciures, copeaux). Ainsi, par un tri rigoureux et la prise en charge élégante des matières compostables nous produisions moins d'un sac de 20 litres d'incinérables secs et propres par mois, pouvant être stockés indéfiniment en attendant l'escale.

La vidange du composteur se faisait toutes 3-4 semaines dans un sac stocké à l'extérieur, donc immédiatement congelé. Dès le retour de l'été, le post-compostage se faisait au pied d'un rocher ensoleillé et chaud, grâce aussi à un faune opportuniste de mouches et de vers très abondante. Comparé à un système de toilettes à chasse d'eau (a), ce système aura évité de produire 18'000 litres d'eaux noires problématiques à gérer à la longue. Extrapolé à 12 mois cela représente moins de 200 litres de compost fertile pouvant être rendu à l'environnement en bonne conscience et 1000 litres d'urines collectées et assimilées en petites quantités dans l'eau de mer (b) - quantités pour un équipage de 2.5 personnes en moyenne.


Comparatif WC (a) - TS (b) pour une année et 2.5 personnes : 1 cube = 1000 litres

Le modèle utilisé à bord sont des toilettes sèches du marché. Elles mériteraient quelques petites améliorations d'ergonomie notamment au niveau du dispositif de séparation des urines et du bac de compostage.

Reste les métaux, verres et quelques récipients en plastique. Une fois nettoyé et compacté ces matières ont été stockées et rapportés au premier point de recyclage. Le volume et le poids ne posaient aucun problème, étant dans tous les cas bien inférieur au volume initial embarqué.

Conclusions :

La contrainte nous a fait faire le pas vers des toilettes de compostage qui se sont révélés très adaptés malgré notre situation qui ne prédispose absolument pas à ce type de système, notamment en raison du froid qui n'est pas favorable aux processus de transformation biologique.

En navigation maritime, nous utilisons néanmoins le classique système de WC marin (à chasse d'eau eau de mer), plus adapté à absorber les flux d'un équipage variable et beaucoup plus nombreux.

Enfin, la notion de déchet devrait être substituée par matériaux à recycler. Géré dpuis le début c'est un faux problème.


Nourriture et plus


Avitaillement à Malmö : deuxième tiers des vivres pour une année (photo Kalle Schmidt)

Prévoir de la nourriture pour 12 mois n'est pas une mince affaire. Cela représente près d'une tonne de vivres pouvant être conservées sur une longue durée tout en permettant un régime sain, complet et équilibré. La moitié revenait aux équipages d'été (10 personnes pendant 2 mois), le solde à l'équipage d'hiver (2 personnes pendant 10 mois).

N'étant pas amateurs de lyophilisé et de plats précuisinés ou de surgelés, nous nous sommes beaucoup inspiré de la cuisine traditionnelle à base de légumineux et de céréales, les plus complètes possibles. Des fruits, légumes et champignons séchés ont apporté de la variété, de même qu'un assortiment très complet d'épices.

Un apport calorique important était constitué de miel, d'huile d'olive, de beurre et une grande roue de fromage. Du chou et des oignions frais ont pu être conservés jusqu'au mois de février. Avec le retour du soleil nous faisions pousser des graines à germer.

Pour parer au risque d'une carence en vitamines nous complétion par une capsule vitaminée et de la vitamine D durant les mois de nuit. Enfin, un poisson ou de la chasse occasionnelle ont contribué à un régime exemplaire. La meilleure preuve: nous n'avons développé aucun fantasme culinaire...

Conclusions :

Des solutions simples et adaptées existent. Il faut sortir des habitudes du plat précuisiné. La conservation a été la clé de notre régime. De très nombreuses solutions existent depuis la nuit des temps. Il suffit de s'en inspirer.

Extrait du carnet de bord "Aujourd'hui, le 20 juin, les denrées fraîches nous font quand même rêver. Le navire de ravitaillement arrivera dans deux semaines!"

Isolement

Nous étions préparés à l'isolement. Le maître mot était l'autonomie, que ce soit au niveau des connaissances pour mener à bien le projet, les aptitudes, les outils et pièces pour réparer à peu près tout. Nous avions cependant sous-estimé l'importance d'emporter des ouvrages de référence et dictionnaires. N'étant pas équipés de moyens de communication par satellite, le plus difficile était la période d'embâcle où nous étions coupés du monde durant 3 mois dont 2 sans pouvoir quitter le périmètre du bateau.

Obscurité

Contrairement aux idées reçues, il ne fait pas nuit pendant quatre mois. Il y a de magnifiques crépuscules, le clair de lune, les étoiles, et des fois des aurores boréales pour égayer le ciel. Le tout sur fond de neige et de glace qui amplifient la lumière. Mais ce spectacle n'est visible pour celui qui n'abuse pas de l'éclairage artificiel. Ainsi nous avons vécu le retour du soleil non pas comme une libération, mais surtout comme le signe annonciateur d'un nouveau chapitre, aussi passionnant que les précédents.

Voir crépuscule...


Conclusions

S'il reste des points à améliorer, il en reste toujours(!), l'expérience du 'passive igloo' montre qu'il est possible de créer un habitat quasi autarcique sur le plan de l'approvisionnement en énergie tout en restant simple et abordable et ceci pour les climats les plus froids.

Une excellente isolation thermique est la base d'un habitat confortable et durable. C'est un préalable incontournable si on veut se tourner vers les énergies renouvelables. C'est aussi une garantie en cas de problème d'approvisionnement car il sera facile de mettre en oeuvre des solutions de rechange.

Cette expédition a été un laboratoire en milieu hostile ne permettant aucun faux pas. Par moments l'engagement était total et exigeait une fiabilité absolue des systèmes. Les seuls à être parfaitement fiables ont été les systèmes passifs, à commencer par l'isolation.

Plus que des stratégies, nous avons pu expérimenter dans le détail le fonctionnement en conditions réelles de chaque sous-système. Et à tour de rôle chaque système a été poussé dans ses derniers retranchements.

Enfin, le passive igloo était un scénario des plus exigeants car de petite dimension et soumis à d'innombrables contraintes supplémentaires liés au milieu marin - après tout c'est aussi un voilier. Par conséquent, ce qui a été possible pour le passive igloo l'est bien plus facilement pour un bâtiment terrestre. Et plus une construction est grande, plus il est facile d'atteindre ces objectifs car le facteur de forme y est favorable.

Fort de l'expérience et d'une bonne préparation nous n'avons jamais souffert du froid. Que ce soit le bateau ou les habits, l'organisation ou les équipements pour faire face au grand froid: tout a contribué à faire de cet hiver une expérience agréable et enrichissante à chaque instant. Mais nous avons aussi appris des habitants locaux. La plus belle marque de confiance dans ce que nous faisions était de nous confier leurs enfants pour passer la nuit à bord.

Aujourd'hui, nous souhaitons faire fructifier l'expérience du passive igloo, en développant le concept autour d'un habitat terrestre autarcique en Arctique ou plus près de chez nous, en haute montagne.


Comment aller plus loin?

L'énergie de chauffage représente près de la moitié de l'énergie primaire importée en Suisse. La situation est comparable dans les autres pays d'Europe.

Sachant la limite des énergies non-renouvelables et les effets néfastes sur l'environnement de leur consommation inconsidérée, c'est un levier important sur lequel on doit agir. Et on le peut:

L'expérience du passive igloo montre qu'il est possible de réduire cette consommation de façon drastique. Cet enseignement est applicable à toute nouvelle construction sur laquelle il est en principe facile d'agir. La responsabilité de veiller à la mise en application d'une telle volonté revient à tous les acteurs: collectivités, maîtres d'ouvrage, architectes, constructeurs, exploitants, habitants. Les écoles ont un rôle important à jouer aussi.

Ainsi construit, les bâtiments du futur ne seront pas seulement plus écologiques. Ils seront aussi plus résilients, à savoir aptes à s'adapter aux inconnues et surprises que nous réserve l'avenir. La condition préalable sera leur simplicité, synonyme d'économie et de durabilité.

Des faibles besoins sont un préalable incontournable quand on veut se tourner vers les énergies renouvelables: il est beaucoup plus économique et écologique de réduire les besoins que de construire des fermes solaires, éoliennes, barrages ... toujours plus grands.

 

Les flèches sur les maisons représentent les besoins en énergie pour le chauffage, l'eau chaude et l'électricité.

A service égal, les mesures d'efficacité visent à réduire les besoins.

L'autonomie équivaut à substitution par des énergies renouvelables.

La combinaison des deux est nécessaire pour aboutir à des maisons efficaces et abordables.

La sobriété questionne nos besoins réels. Plus de qualité et moins de quantité.

Il n'y a aucune excuse valable de ne pas rendre les bâtiments contemporains quasi-autarciques sur le plan énergétique. C'est d'autant plus urgent que ces bâtiments existeront fort probablement encore dans une génération ou deux, dans un avenir où l'énergie 'facile' sera révolue.

Seulement des solutions simples et robustes, ayant un temps de retour écologique court, devront être utilisées pour y parvenir. Ces bâtiments ne se distingueront ni par leur aspect ni par leur coût de construction. Les dispositifs passifs, l'isolation en premier, ne sont ni spectaculaires ni sophistiqués. Il faut intégrer les bonnes stratégies dès le départ. Elles sont une condition de projet incontournable. Un bâtiment doit non seulement résister à la gravité, à l'usage et à l'ennui (firmitas, utilitas, venustas*), il doit aussi résister au temps et à l'avenir.

[*] Vitruve: solidité, utilité, beauté

La difficulté à assainir les bâtiments existants devenus obsolètes montre à quel point une vision d'avenir est importante, aussi pour assurer la pérennité des investissements immobiliers. Elle montre que nous n'avons pas le droit d'attendre. Il faut agir dès aujourd'hui.

Enfin, nos bâtiments se distinguent aussi par des surfaces habitables qui ne cessent de croître. Si notre monde n'est pas encore prêt à faire des concessions sur la quantité, la sobriété deviendra un levier très important. Elle ne peut être atteinte sans fournir de la qualité. Il s'agit de cultiver la qualité avant la quantité, un changement de paradigme.

Souvent la peur du changement est plus pénible que le changement lui-même. Mais ce changement est possible.


Peter Gallinelli, Groenland, Nanuq's cove, juin 2016

 
 

peter.gallinelli octobre 2017